« Paul et Virginie » version BD, Shenaz Patel et Laval Ng, IPC, 2015

D’après le roman de Bernardin de Saint-Pierre

Essentiellement romancière, Shenaz Patel, travaille cette année encore à mes côtés au lycée. Elle est l’auteur de « Sensitive », « Le portrait Chamarel », « Le silence des Chagos », « Paradis Blues » mais elle a aussi participé à des albums pour enfants dont « Les contes de l’île Maurice », « La toile bleue » ou encore l’adaptation de « Tintin en créole ». Elle fut aussi la traductrice en créole des dialogues du film « Lonbraz Kann », signé de David Constantin. Laval Ng est un jeune dessinateur mauricien découvert par Pierre Makyo lors du festival de la BD de la Réunion. Ensemble ils ont collaboré à l’album consacré à Khalil Gibran, mais aussi au cycle « Balade au bout du monde » chez Glénat. Il a aussi une activité de caricaturiste de presse.   Le projet de cette adaptation est né il y a plusieurs années, aussi Michel Coquet, des Editions IPC, était-il heureux, et soulagé peut-être,  de procéder à son lancement, ce jeudi 26 mars 2015, au Penny Muséum de Port-Louis qui abrite une exposition permanente consacrée aux deux jeunes héros du roman de Bernardin de Saint-Pierre. Rappelons que Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814), « fils d’un modeste directeur des Messageries du Havre » et ancien élève de L’Ecole des Voyages devenu ingénieur, débarqua en 1768 à l’Ile Maurice , alors Isle de France. Il occupait les fonctions de capitaine ingénieur du Roi. Il n’y séjourna que deux ans mais resta profondément marqué par cette expérience. Une très jolie carte d’invitation, des petits fours délicieux, des discours tout aussi chaleureux que les convives ont assuré la réussite de l’événement, le lancement de cet ouvrage qui nous replonge dans l’histoire de l’île au temps de l’esclavage et des clivages sociaux. L’album s’ouvre sur la luxuriante Ile de France, ancien nom de l’Ile Maurice, vers 1768. Au menu, la mer, la montagne, une paisible solitude, comme un désert heureux, puis deux cabanes inattendues. Le promeneur qui les découvre croise un vieil homme qui accepte de répondre à ses questions et de lui narrer l’histoire de leurs propriétaires et de leurs amours contrariées… Les îles à cette époque attiraient les aventuriers mais apparaissaient aussi comme l’unique échappatoire aux individus en rupture de bans, à l’instar du jeune couple de la Tour qui a fui la France pour vivre un amour impossible. C’est ainsi que la jeune Mme de La Tour, devenue veuve avant la naissance de sa fille, rencontre Marguerite, la jeune mère célibataire de Paul. Elles partagent leur solitude, leur maternité, la dureté de l’existence, mais aussi le bonheur de se connaître, de voir grandir leurs chérubins. Paul et Virginie connaissent donc une enfance libre, tendre et heureuse, grandissant « comme des enfants de la nature ». L’amitié laisse place aux premiers émois, aux projets…On pourrait les marier. C’est sans compter sur un courrier d’une tante de Mme de La Tour qui réclame la venue de Virginie en France. Paul est au désespoir, mais il n’est qu’un bâtard. Peut-il croire à sa promesse de lui revenir? Comme beaucoup, j’ai tenté la lecture du roman dans mon jeune temps sans jamais parvenir au bout. L’avantage de cette adaptation BD, très réussie, réside pour beaucoup dans le scénario qui resserre la narration et accroit l’intensité dramatique du roman qui se lit alors comme une véritable tragédie. Le superbe dessin de Laval NG, dont j’aime le trait, les jeux de couleurs et le sens nous détail, supplée aux longues descriptions quelquefois harassantes de Saint-Pierre. Je note au passage la belle qualité de l’album et je salue le travail et les choix de Michel Coquet. Nous avons pu, en prime, découvrir quelques planches originales en noir et blanc: et bien sûr, patienter pour les dédicaces. Il faut dire que Laval mettait le coeur à l’ouvrage!