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« Ainsi se tut Zarathoustra », Nicolas Wild, 2013


« Ainsi se tut Zarathoustra », Nicolas Wild, La Boite à bulle, Arte Editions 2013

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Prix France Info de la BD d’actualité et de reportage 2014.

J’avais déjà apprécié le talent de cet auteur dans le premier opus de « Kaboul disco », et je dois dire que ce nouveau titre ne m’a pas déçue.

Comme à son habitude, Nicolas Wild s’inspire de ses expériences, de ses voyages et de ses rencontres pour composer cet album foisonnant qui mêle découverte de l’Iran, zoroastrisme et justice.

La narration s’ouvre sur l’évocation d’un procès singulier à Genève, celui du meurtrier présumé de Cyrus Yazdani. La victime était un iranien fervent défenseur du zoroastrisme, l’une des religions monothéistes les plus anciennes au monde. Je n’en dis pas plus car l’album, qui comporte aussi une visée didactique, vous éclairera abondamment sur les fondements, les principes et l’histoire de cette religion dont le prophète Zarathoustra trouva place dans l’œuvre de Nietzsche. Conservons juste à l’esprit que ce monothéisme repose sur la bataille entre le bien et le mal incarnée par les deux fils du dieu Ahura Mazda. Angra Mainyu est un esprit mauvais associé aux ténèbres tandis que Spenta Mainyu est un être bon symbolisé par la lumière. Cette dualité est alors inhérente à tout individu, selon le principe du « Yeki and », « les deux font un ».

Le narrateur va vérifier le bien fondé de ce principe lors d’un voyage inattendu en Iran où les réalités ne sont pas toujours ensoleillées. Fraichement rentré de Kaboul, où il a pu parfaire sa maîtrise du parsi, il se lie d’amitié avec des réfugiés afghans clandestinement installés dans un parc près du canal Saint Martin. C’est par l’intermédiaire de l’un d’eux, Timour, qu’il fait la connaissance de Sofia Yazdani, la fille de la victime. Quelques mois plus tard, cette dernière l’invite à se joindre à son petit groupe d’amis qui doit se rendre en Iran pour fêter l’anniversaire du père défunt et inaugurer le centre culturel zoroastrien, qu’il avait conçu à Yazd avant de mourir. Il mêle alors une triple enquête. Il s’intéresse au fonctionnement de l’Etat iranien qui se remet difficilement de la période Khomeyni, il creuse le passé de Yazdani et parfait sa compréhension du zoroastrisme. On le suit avec un réel plaisir dans son périple tant il saisit toujours le détail qui captive. Si l’album est en noir et blanc, le graphisme est une invitation au voyage. La visite de Shiraz, la ville des jardins et des poètes est un enchantement! Le récit est d’autant plus dynamique que les personnages se déplacent beaucoup et échangent énormément. Vous pourrez d’ailleurs vous initier au parsi à votre tour.

Testez un peu….

Khata Hafaz: au revoir

Boro- E- bakhein: en route

A travers ses pérégrinations, Wild interroge également la question de l’intolérance. L’Iran est un métissage de cultures. Le pays rassemble plusieurs langues, plusieurs religions mais pour le gouvernement, cette richesse constitue un danger pour la stabilité. On tend donc à refouler le zoroastrisme. On peut d’ailleurs se demander si cela a motivé le meurtre de Cyrus, qui n’échappe manifestement pas au Yuki and…si l’on en croit les avatars d’un certain cylindre…

Le scénario est intéressant malgré son didactisme. L’album est autant une aventure oculaire qu’intellectuelle. Wild ne sombre jamais dans le manichéisme ni dans la monotonie. Un bel hommage à Warhol nous surprend ainsi au hasard de la page 155.

La dépense occasionnée par cet album est un enrichissement.

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