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« L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique », Olivia Burton et Mahi Grand, Steinkis, 2015


 

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Cette semaine, j’ai fait un détour par l’Algérie en compagnie d’Olivia Burton et de Maha Grand. Il s’agit d’un album autobiographique aux allures de road story.

Malgré les réticences de ses proches, la narratrice n’a de cesse de découvrir Alger et surtout les Aurès, terre d’enfance de sa famille. Comme eux, elle est aux prises avec certaines appréhensions, elle tremble même un peu à l’idée des attentats, mais l’appel des racines l’emporte. Ces contrées encore inconnues nourrissent son imaginaire depuis sa naissance. Elle a grandi bercée par les souvenirs de nuages de sauterelles, de parfums de figues, de bleds aux terres caillouteuses … » L’Algérie ressurgissait toujours en fin de repas. ». Plus de 50 ans après, la famille voue toujours une haine farouche au général de Gaulle et conserve un accent et des expressions poivrées.

Olivia en a longtemps eu une vision de carte postale avant de manifester davantage de circonspection à l’adolescence. Qu’y faisaient vraiment ses proches ? Jouaient-ils les colons ? Comment ont-ils vécu cette guerre ? Se comportaient-ils mal ?

Il lui semble porter un héritage trop lourd, « le poids d’une guerre qu’elle n’a pas vécue. »

Sur les conseils de Zoubida, Nacera et Zora, ses amies, elle franchit donc le cap et retrouve à Alger, Djaffar, un architecte installé en France.

Après un début un peu lent, centré sur le cheminement intérieur d’Olivia, le scénario nous embarque à ses côtés sur les traces du passé. Les feuillets-souvenirs de sa grand-mère en main, ainsi que quelques vieux clichés, Olivia espère, s’interroge, contemple et écoute, bien malgré elle, Djaffar pestait régulièrement contre son pays.

« J’ai les codes, mais je n’ai pas de connexion profonde ».

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Pour la jeune femme, l’Algérie, « Eldorado pour sa famille », reste un puzzle impossible à compléter vraiment ». Elle en savoure pourtant les paysages, l’hospitalités, les contrastes.

Bien évidemment cette longue route est l’occasion d’aborder bien des points importants comme la condition des femmes, les disparités selon les régions et les milieux, les études, la modernisation du pays, l’insécurité, les constructions modernes qui saccagent le littoral et les paraboles qui poussent comme les mauvaises herbes. Mais l’essentiel réside surtout dans cette difficile question du poids de ce lourd passé colonial et de la culpabilité.

Peut-être parce que j’ai effectué cet été une démarche similaire avec ma mère au Maroc, j’ai trouvé sa démarche touchante et l’analyse de son questionnement intéressant. Certes, je n’en ferais pas l’album de l’année, mais cela reste une lecture qui grandit son lecteur.En revanche j’ai totalement craqué pour le dessin de Mahi Grand. Le noir et blanc convient bien à cette quête, cette plongée dans le temps. Seuls les « clichés » pris par Olivia connaissent un traitement couleurs. Le trait est fin, poétique, les nuances superbes., la variété et l ‘inventivité dans la composition des planches stimulantes.

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