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« Emmett Till », Arnaud Floc’h et Christophe Bouchard, Sarbacane, 2015


Un bel album à mettre entre toutes les mains!

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Inspiré d’un terrible fait historique, cet album s’ouvre sur l’été 1955 et nous propose une incursion dans le Deep South, ce Mississipi qui n’a pas encore rompu totalement avec ses réflexes ségrégationnistes. Les noirs doivent encore éviter de parler aux blancs, ils ne doivent pas non plus se tromper de wagon et pénétrer dans une épicerie pour acheter des bonbons relève parfois du défi ou du suicide. Roy et Milam, deux frères, incarnent ainsi des personnages types, triviaux, vulgaires et surtout racistes. La décision Brown qui accorde désormais des droits aux noirs, même dans le Sud, leur est étrangère, tout comme les mises en garde du shérif. Si Milam est célibataire et peu autonome, Roy est marié à la belle Carolyn Bryant, ce qui aura son importance…
Adolescent noir à peine âgé de 14 ans malgré sa corpulence, Emmett Till, venu du Nord venait juste rejoindre son oncle Moise pour travailler dans la plantation de coton avec ses cousins. Et si les bayous dégagent un parfum plus agréable que Chicago, leurs codes sociaux demeurent nauséabonds. Il lui faut apprendre à baisser la tête et ne jamais oublier les « dont’s ». Emmett est un peu hâbleur: il a foi en son humanité et la justice, simple question d’égalité. Ses désillusions sont nombreuses, notamment sur la plantation.
« On ne savait pas encore que ce n’est pas parce qu’on est payé pour le travail qu’on a fourni qu’on échappe forcément au statut d’esclave.
L’histoire prend alors des allures de tragédie dans cette petite ville de Money: Emmett a simplement la malchance de croiser les deux frères…
Le scénario, qui recourt au récit encadré, donne la parole à un chanteur de blues, Luther Wild Boy, témoin de cette tragédie alors qu’il était enfant. Le procédé n’est pas nouveau, mais son intérêt ici est aussi de rappeler les douleurs qui fondent cette musique là. Il aborde évidemment des questions de fond qui ne laissent pas indifférents, sans sombrer non plus dans un pathos excessif. J’ai apprécié cette sobriété qui assure toute l’efficacité du propos. Le dessin ne m’a pas vraiment convaincue. Je n’ai globalement pas adhéré au choix des couleurs et au graphisme des lieux. Les visages sont en revanche très expressifs. A noter que l’album s’achève sur un bonus, un petit dossier consacré à cette triste affaire et à la condition des noirs aux USA durant cette période: plus de 2000 assassinats sans plaintes, sans témoins en quelques années.

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Merci à ceux d’entre vous qui m’ont incitée à découvrir ce titre incontournable.

Lecture effectuée dans le cadre de la la-bd-de-la-semaine

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